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Comment fonctionne la gouvernance des stations de ski ?

Que ce soit pour des raisons géographiques ou historiques, la collaboration entre les acteurs de la montagne n’est pas toujours évidente. Bien que compliquées, nous allons voir que des collaborations se mettent de plus en plus en place. Après avoir introduit les notions de base de la gouvernance, nous verrons pourquoi la bonne gouvernance d’un territoire est indispensable si celui-ci souhaite diversifier au mieux son attractivité touristique. Territoire et sport sont deux notions qui prennent une dimension syncrétique lorsque l’on considère le développement économique des stations de montagne, qu’elles soient françaises ou étrangères. Ces territoires propices aux sports sont prisés des touristes souhaitant pratiquer des sports de plein air, dont le ski alpin par exemple. Ces activités sont souvent indispensables pour l’économie des stations. Celles-ci se retrouvent cependant de plus en plus confrontées à des problématiques (changements climatiques, variabilité de la demande, contexte de concurrence exacerbée…), qui ont amené les gestionnaires des stations de montagne à faire évoluer leur pilotage.

Avant d’analyser tout ce que comprend la gouvernance dans les montagnes françaises, commençons par le commencement :
C’est la Loi Montagne qui donne aux communes la responsabilité du pilotage des stations. Une gestion qu’elles gèrent elle-même ou bien délèguent à des opérateurs privés, par l’intermédiaire de services publics. Ces choix conduisent à des formes variées de relations entre acteurs privés et publics. Cette délégation prend différentes formes qui varient de la taille des domaines et de nombreux critères qui font que les façons de gérer une station sont très nombreuses.
Nous allons maintenant voir quels outils sont mis à disposition des stations et quelles sont les différentes possibilités pour gérer au mieux la gouvernance d’une station de ski.

La régie : c’est le mécanisme par lequel la commune ou le département est responsable de la direction stratégique ainsi que de la gestion opérationnelle. La régie présente deux alternatives : la régie directe, c’est lorsque la commune ou le département à son budget et en est responsable. La régie personnalisée, dans ce cas l’autorité publique (commune ou département) garde le contrôle sur l’organisation général. Elle prend les directives qui seront mises en œuvre par un organisme public à vocation industrielle et commerciale.

La société d’économie mixte locale (SEML) : c’est une société anonyme. Le capital est détenu à la majorité par une ou plusieurs personnes publiques.

La société publique locale : la société publique locale est une société anonyme. Contrairement à une SEML, son capital est 100 % public et il y a au moins deux actionnaires. Les missions confiées à la société publique locale sont de l’ordre d’un service public, industriel et commercial. Concernant les remontées mécaniques, qui sont un transport public, l’autorité publique fait sous-traiter la gestion de son domaine skiable via une délégation de services publics.

Les modes de gouvernance dans les stations de ski

À ces outils il faut ajouter la notion de gouvernance. De plus en plus importante dans l’évolution des stations, la gouvernance peut se définir comme l’ensemble des arrangements, des relations, formels et informels entre les intérêts publics et privés, à partir desquels vont être prises des décisions.

La gouvernance privée : ce sont des acteurs privés qui s’occupent de la création et de la coordination des ressources. Ils agissent dans un but d’appropriation privée.

La gouvernance privée collective : le mode d’appropriation est institutionnalisé souvent par des organismes collectifs porteurs. L’acteur majeur est une organisation privée, formellement identifiée et impulsant une coordination des stratégies des opérateurs privés qu’elle regroupe. 

La gouvernance publique : les modes de gestion créés par les institutions publiques se caractérisent par une séparation entre les acteurs qui pilotent la gouvernance locale et ceux qui bénéficient de ses effets.

La gouvernance mixte : cette fois, les acteurs dominants sont des acteurs publics mais aussi des acteurs privés. Cette cohabitation peut amener à des conflits mais aussi à des partenariats. Tout dépend si elle se fonde ou non sur la reconnaissance du besoin de l’autre pour parvenir à l’objectif souhaité en termes de structuration du territoire.

Pourquoi les stations doivent-elles repenser leurs modes de gouvernance ?

Maintenant, nous allons concrètement analyser ce qui se fait dans certaines communes afin d’en tirer des conclusions. Pour cela, nous comparerons la gouvernance de différentes stations en prenant bien sûr en compte les caractéristiques locales qui sont le propre des montagnes.
Il est important de savoir que si les stations revoient leurs modes de gouvernance, c’est qu’elles ont bien compris que le ski ne suffira plus et qu’il est grand temps de divertir le panel d’activités. Le but étant de rester attractif auprès des clients finaux afin qu’ils continuent de consommer. La notion de coopération va donc prendre toute son importance pour les stations qui souhaitent s’ouvrir à d’autres activités. En effet, différents travaux ont montré que la coopération entre les acteurs était le fondement de la compétitivité des entreprises et des organisations. Cette coopération devient nécessaire car c’est de plus en plus rare de trouver un acteur possédant seul l’ensemble des compétences et des actifs nécessaires à la réalisation d’un projet innovant. Cette coopération constitue d’ailleurs, selon les travaux de nombreux chercheurs, un pilier de la capacité d’innovation.

Des exemples concrets de changement de gouvernance au sein de stations de ski

Dans le Dévoluy, l’élan de renouvellement organisationnel quitte la sphère politique communale et se propage dans le massif. La fusion des quatre communes du Dévoluy le 1er janvier 2013 a donné naissance à la commune nouvelle du Dévoluy. Cela a permis de renforcer l’adhésion des populations et des acteurs économiques. En effet, bien que la motivation première à cette fusion n’ait pas été la question touristique, il va sans dire que cela a entraîné d’importantes répercussions sur cette activité, la concurrence entre les acteurs diminue progressivement au profit de la construction d’une image commune pour le territoire. En conséquence, dans le Dévoluy, l’articulation entre l’action portée par l’acteur supra-local (la région) et le territoire, est évidente. Celle-ci a en effet donné lieu à l’activation d’une proximité organisationnelle (regroupements institutionnels), et à une appropriation de la stratégie touristique. Il s’agit donc tout simplement d’une union de communes proches géographiquement qui se lient afin d’aller dans la même direction et d’unir leurs forces et caractéristiques propres. Une alliance qui semble donc faire les affaires des quatre anciennes communes. Un concept qui n’a rien de novateur mais qui, étant données l’histoire et les potentielles rivalités, n’est pas toujours simple à mettre en place.

Dans la commune de La Bresse : « la diversification se met véritablement en place par la mobilisation des acteurs économiques, lesquels s’approprient cet enjeu d’offre touristique annualisée et font évoluer en conséquence leur activité. Ainsi, suivant le modèle originel de développement touristique, la diversification apparait être le fruit des acteurs économiques. L’enjeu de diversification n’a cependant pas permis de dépasser les individualités préexistantes, et la concurrence reste ainsi particulièrement marquée, entre les acteurs économiques, mais également entre les maires des différentes communes voisines. » (ACHIN, BERNARD, GEORGE-MARCELPOIL)
Dans la communauté de communes du massif du Sancy, les proximités organisationnelle et institutionnelle sont théoriquement mises en place. En revanche elles ne parviennent pas véritablement à passer outre le relief du massif qui limite les déplacements et échanges entre les communes du massif. De ce fait, le territoire du Sancy semble essentiellement poursuivre une finalité promotionnelle et commerciale avec la marque « Massif du Sancy », sans pour autant mettre en place un projet de développement touristique partagé.

Une autre étude a été réalisée sur le Sancy et en arrive à la conclusion suivante : « si les élus locaux sont conscients des opportunités offertes par le regroupement des territoires, ce n’est pas le cas de tous les acteurs. Cela met en évidence les différences de représentations des acteurs et les difficultés de gouvernance territoriale qui en résultent. » (PERRIN-MALTERRE)
L’étude va plus loin et ouvre sur un facteur indispensable à prendre en compte : le tourisme. Il se pose la question de savoir comment les touristes perçoivent l’identité touristique d’un territoire comme celui du Massif du Sancy. En effet, l’identité construite par une destination touristique peut parfois être différente de l’identité perçue par les touristes. De plus, la clientèle évolue et les professionnels de la station sont confrontés à des attentes nouvelles auxquelles ils ne sont pas forcément préparés. Nous reviendrons plus en détails sur l’importance du tourisme dans la troisième sous-partie.

Enfin, dans les Alpes suisses, une étude de cas sur la station de Villards-sur-Ollon se conclut en disant qu’il faut « construire les bases d’un partenariat stratégique dans la gouvernance de la station. Ces éléments fondamentaux doivent permettre de renforcer la confiance et la coordination entre les acteurs de la gouvernance de la station, et les acteurs institutionnels du sport et du tourisme interagissant à une échelle territoriale plus large. » (BAYLE, JACCARD, LAGENBACH)

Etude de cas en Haute-Savoie

Nous allons maintenant déterminer comment la mise en place d’un objet frontière peut participer à la construction des proximités nécessaires à la gouvernance territoriale en stations de montagne. Cet objet frontière qui est représenté par une charte de développement durable a été étudié entre les 3 communes haut-savoyardes que sont Combloux, Praz-sur-Arly et Cordon. L’étude montre « l’importance de la charte en tant qu’objet frontière pour créer une proximité institutionnelle donnant la possibilité à une gouvernance territoriale d’émerger. Au plan cognitif, l’objet-frontière a permis la construction d’une représentation commune et partagée entre des acteurs hétérogènes (et qui n’avaient pas du tout l’habitude de se côtoyer). Au plan politique, elle a conduit à la formation d’un espace de régulation qui permet non seulement d’éviter des effets d’enfermement mais surtout à redéfinir collectivement les frontières de la gouvernance territoriale autour d’actions partagées à l’échelle inter-stations. » (BOCQUET, MOTHE)

De plus, l’étude retient l’importance des pouvoirs publics qui ont clairement un rôle à jouer dans l’accompagnement des stations. Ils représentent des leviers pour la création des proximités nécessaires pour la mise en place d’une gouvernance territoriale grâce à leurs politiques volontaristes de configuration. Les pouvoirs publics peuvent susciter des territoires aux regroupements pertinents à condition que ces derniers ne soient pas imposés dans un cadre trop strict. Il faut laisser aux acteurs impliqués le temps et les moyens nécessaires pour construire leurs propres règles de fonctionnement.

Et pour poursuivre sur l’importance d’acteurs autres que ceux de la montagne, précisons que la transformation de l’univers de la montagne ne peut pas se faire qu’avec les personnes de la montagne. Il est nécessaire que l’État s’intéresse au sujet, car les stations sont dans leur opérationnel du moment et des 3 années qui viennent et c’est difficile de prendre des décisions qui auront un impact dans 20 ans. Il faut que l’Etat ou quelque chose d’extérieur à la montagne donne des idées ainsi que les moyens pour les mettre en place. C’est d’ailleurs comme cela que ça s’est passé dans les années 1950 à 1970, quand les grandes stations alpines sont nées. C’est l’Etat qui l’a décidé et non les locaux. Ça a marché il y a 60 ans alors pourquoi pas maintenant ? L’État peut aider, mais ce sont des décisions difficiles à prendre notamment lorsqu’il s’agit de la reconversion des stations. Il y a encore plein de stations qui repoussent le problème mais si personne ne leur dit que maintenant il faut passer à autre chose, elles vont continuer et aller dans le mur. L’Etat a peut-être un rôle à jouer dans la mutation du tourisme de montagne.

Tout le monde connaît l’incertitude qui règne autour de nombreuses stations de moyenne montagne. Il s’avère que les stations en sont bien conscientes mais elles n’ont pas les ressources nécessaires pour y faire face. Toutes les stratégies de diversification mises en place qui amènent à des restructurations du mode de gouvernance sont efficaces mais il semble que des acteurs qui ne sont pas directement liés à l’univers de la montagne pourraient apporter des ressources précieuses et un soutien de taille.

Revoir la gouvernance des stations de montagne pour rester attractif !

La notion de gouvernance des stations prend de plus en plus d’importance. Ceci est dû à la prise de conscience des stations de la nécessité de se diversifier et de s’unir dans un intérêt commun : celui de rester compétitif et attractif. Cependant il est impossible de définir le mode de gouvernance parfait. A chaque façon de gérer une station il y a une gouvernance qui s’applique ou au moins qui émerge. Au-delà du problème d’enneigement, la diversification des communes est primordiale en raison d’une concurrence qui se renforce sous l’effet de l’internationalisation du tourisme. Chacune d’elle a donc intérêt à valoriser ses propres ressources touristiques et à se construire une identité locale différenciée de celle des autres territoires afin de conserver son attractivité. La stratégie de développement d’une station doit nécessairement tenir compte de l’histoire d’un lieu et d’un territoire. Mais aussi des échanges ou des proximités organisationnelles ou cognitives avec d’autres stations touristiques proches ou similaires.

Chaque territoire possède des richesses, une histoire et une nature qui lui sont propres et qui lui amènent des opportunités et des contraintes. Chaque commune/station doit s’adapter pour adopter le mode de gouvernance le plus adéquat à son environnement.
Dans une station de ski, la gouvernance est un vaste sujet. Les infrastructures qui composent les stations sont aussi à l’origine de débats et de prouesses technologiques et parfois d’espoir pour les stations les plus en danger.

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